[Réflexion] À qui apaprtient un film ?

Les éditions spéciales de la trilogie Star Wars, critiquables à bien des égards, ont cependant soulevé une question intéressante : à qui appartient un film, à son créateur ou au public ? Si une œuvre appartient à son auteur, alors celui-ci est libre de la modifier selon ses désirs, peu importe l'avis du public. Dans le domaine du cinéma, le réalisateur, généralement considéré comme le créateur d'un film, est donc celui qui a le pouvoir de retravailler son œuvre, même des années plus tard, comme cela arrive souvent avec les fameuses « director's cut ».

Cependant, lorsqu'on crée une œuvre, c'est pour la partager avec le public. Ce dernier va s'approprier l'œuvre et l'interpréter à sa manière, même si cela va à l'encontre de la volonté de l'artiste qui n'en est alors plus le propriétaire. C'est particulièrement vrai dans le domaine du cinéma, au point de parfois surprendre les réalisateurs lorsqu'ils découvrent les théories des fans. Certains cinéastes jouent même avec cela en laissant délibérément des mystères non résolus et quelques indices soigneusement dissimulés.

Pour ma part, ma réponse à cette question serait plutôt : les deux. Certes, cela peut sembler un peu facile, car je ne prends pas parti pour l'un ou l'autre. Pourtant, il y a une véritable raison derrière cette position.

Commençons par déterminer qui est le véritable auteur d'un film. Le premier qui vient à l'esprit est bien sûr le réalisateur, et dans une certaine mesure, cela est mérité. Après tout, c'est lui qui dirige le tournage, prend les décisions, apporte parfois des modifications au script lorsque cela est nécessaire, et surtout met en image le scénario. Cependant, il n'est pas toujours à l'origine de l'histoire. Par conséquent, le scénariste est l'auteur original de l'histoire, des personnages et de l'univers.

Les choses se compliquent davantage lorsque l'on considère que la production d'un film ne dépend pas d'une seule personne, mais de plusieurs ! Il peut y avoir un ou plusieurs scénaristes qui travaillent sur le script, pour le meilleur et pour le pire. Il y a également le producteur, les acteurs, les responsables des effets spéciaux, les chefs décorateurs, les directeurs de la photographie, et ainsi de suite. Il suffit de regarder le générique de fin pour s'en rendre compte. Toutefois, tous les participants n'ont pas la même importance dans le processus créatif.

Pour moi, le cinéma est un art collectif ! Certes, le réalisateur a indéniablement le rôle le plus important sur le plateau de tournage, mais il ne faut pas oublier toutes les autres personnes qui gravitent autour. Un bon réalisateur est avant tout quelqu'un qui sait s'entourer et écouter ses collaborateurs.

Dans le cas de Star Wars, George Lucas est incontestablement le créateur de cet univers et l'homme au cœur de toute la saga. Surtout que le tournage du premier film a été assez difficile pour lui, car personne ne comprenait réellement ce qu'il voulait faire. Sans sa persévérance, nous n'aurions probablement jamais connu Star Wars.

Cependant, il faut relativiser son importance, car George Lucas n'était pas le seul maître à bord. Il était entouré de proches et de personnes talentueuses qui remettaient en question certaines de ses idées tout en proposant les leurs. Cela a commencé bien avant la mise en chantier du premier film. En effet, George Lucas a réécrit plusieurs fois son scénario en suivant les conseils de ses amis. Maintenant que l'on connaît au moins l'une de ses versions, on peut dire que nous avons échappé au pire.

Il faut également mentionner l'intervention de Marcia Lucas, alors femme de George à l'époque, qui était une monteuse reconnue dans le milieu du cinéma. C'est elle qui a retravaillé tout le film après une première projection test décevante. Les scènes inutiles ont été supprimées, et le montage est devenu plus cohérent et rythmé. De plus, c'est elle qui est à l'origine de la mort de Ben Kenobi, l'événement clé qui pousse Luke définitivement dans l'aventure.

Par la suite, George Lucas s'est entouré de nombreux collaborateurs talentueux, car il ne pouvait pas tout faire lui-même, et cela s'est clairement vu à l'écran. La qualité de l'épisode 5 doit beaucoup à son scénario, mais aussi à son réalisateur, Irvin Kershner. Même si Richard Marquand a eu moins d'influence, sa mise en scène reste meilleure que celle de Lucas.

En tant que créateur de l'univers Star Wars, George Lucas avait tout à fait le droit de corriger et de modifier ses films pour qu'ils se rapprochent le plus possible de sa vision initiale. Cette attention était d'autant plus légitime qu'à la fin des années 70, la technologie ne permettait pas encore de concrétiser toutes les idées les plus folles.

Malheureusement, il l'a fait en ignorant l'avis du public et en négligeant la vision que celui-ci avait de ses créations, en particulier les fans. Ces derniers ont raison de s'insurger face à certains changements, se demandant même si le réalisateur n'a pas volontairement dénaturé ses propres œuvres.

Pour couronner le tout, les choses ne se sont pas améliorées avec la prélogie, et Lucas a même fait en sorte que les versions originales des épisodes 4, 5 et 6 de Star Wars soient indisponibles à la vente, même après le rachat de la licence par Disney. Les éditions spéciales sont désormais les seules versions officielles, du moins à ma connaissance. Contrairement à d'autres trilogies, sagas ou films cultes, qui proposent au moins un coffret regroupant les différentes versions.

Heureusement, un groupe de fans s'est engagé à restaurer les films originaux dans une nouvelle édition appelée "Despecialized Edition". Malheureusement, ces versions ne sont pas légales, même si elles semblent tolérées pour le moment.