[Rétro PC] Blade Runner


Le moins que l’on puisse dire, c’est que les jeux vidéo adaptés de films ne jouissent généralement pas d’une bonne réputation. L’inverse est d’ailleurs tout aussi vrai. Heureusement, il existe des exceptions et parmi elles il y a un jeu qui m’a particulièrement marqué, un titre qui est pour moi tout aussi culte que le film dont il est issu. Bonjour et bienvenue pour ce premier épisode de Rétro PC avec au programme aujourd’hui : Blade Runner.

Historique

Si vous aimez la science-fiction ou que vous êtes un minimum cinéphile, si ce n’est les deux, vous connaissez forcément le film Blade Runner de 1982, réalisé par Ridley Scott. Devenu culte au fil des années et de ses différentes versions, il a pourtant été boudé à sa sortie en salles. 

Tout le contraire du jeu Blade Runner sorti sur PC 15 ans plus tard, développé par Westwood Studios et édité par Virgin Interactive. Plutôt bien accueilli à sa sortie, le jeu semble avoir malheureusement peu à peu disparu des mémoires. À tel point que la sortie en 2017 est de Blade Runner 2049, réalisé par Denis Villeneuve, n’a même pas provoqué une ressortie ou une remasterisation du jeu en version numérique. Il faut dire qu’entre temps les données du jeu ont été perdues rendant impossible une quelconque remasterisation. Et quand bien même, si les fichiers originaux avaient été retrouvés, les restaurer coûterait a priori beaucoup trop cher. Déjà qu’à l’époque cela avait été un véritable défi pour Westwood de faire tenir le jeu sur quatre CDs seulement. On parle quand même de plusieurs centaines de Go de données, tant les différents éléments, surtout graphiques, pesaient très lourd. 

Quant à la possibilité d’une sortie du jeu en version digitale, les détenteurs des droits, à savoir Blade Runner Partnership et surtout Electronic Arts, l’éditeur ayant racheté Westwood en 1998 avant de liquider le studio en 2003, ne semblent pas pour le moment prompt à agir.

Un jeu fidèle à l’univers du film

Quoi qu’il en soit, cette destinée n’est malheureusement pas la hauteur des nombreuses qualités du jeu, à commencer par son scénario. Tout d’abord, il faut savoir que pour Westwood reprendre le script du film était forcément une mauvaise idée. Ainsi plutôt que de permettre aux joueurs de modifier l’histoire de Rick Deckard, le studio a eu la très bonne idée de créer un nouveau récit qui se déroule en parallèle du film, et de proposer par là même une vision un peu plus large de l’univers de Blade Runner.

Le jeu se déroule donc toujours en novembre 2019, dans la ville de Los Angeles. Mais cette fois-ci nous incarnons Ray McCoy, un jeune Blade Runner à qui le lieutenant de police Guzza demande d’enquêter sur un meurtre d’animaux. Une affaire qui va rapidement le mener à un groupe de répliquants venus se réfugier sur terre. On notera d’ailleurs que dès les premières minutes le scénario explique l’absence de Bryant et des autres Balde Runner. Ce qui ne nous empêchera pas de croiser d’autres personnages du film en plusieurs occasions, mais dans des rôles plutôt secondaires.

Une autre des qualités de Balde Runner est bien entendu sa fidélité par rapport au film, que ce soit du point de vue de l’environnement du monde, de l’ambiance ou des personnages. C’est donc fort logiquement que l’on retrouve tous les éléments qui définissent cet univers : un monde futuriste pollué et plongé dans une obscurité permanente, une technologie usée, le tout arrosé par une pluie quasiment omniprésente. Au cours du jeu, on sera également amené à visiter plusieurs lieux importants issus du film, tel que les pyramides de Tyrell, le commissariat, l’hôtel Yukon, ou encore l’appartement de Sebastian. 

Mais n’oublions pas que la volonté de Westwood était aussi de permettre aux joueurs d’explorer ce monde plus en profondeur. Ainsi de nombreux autres lieux sont accessibles comme les sous-sols de la ville, le quartier des plaisirs, la salle de jeux ou encore le Kipple. 

Même chose du côté des personnages, Ray McCoy ressemble beaucoup à Rick Deckard. Il est équipé du même flingue, habite un appartement similaire et porte le même trench-coat. Mais il n’a ni la même expérience ni le même caractère, ce qui nous offre un point de vue différent. Clovis de son côté n’est pas sans rappeler Roy Batty, un répliquant fort, intelligent, instruit et déterminé, mais aux méthodes bien différentes. 

Notons également l’ajout d’une voix off, ce qui est plutôt rigolo quand on sait que la version cinéma de Blade Runner comprenait également une voix off a l’intérêt discutable, ainsi que d’un happy ending tout aussi controversé. Heureusement, la voix off, qui est celle de McCoy, a ici une véritable utilité. 

Enfin comment ne pas évoquer la sublime musique de Vangelis, bien entendu présente dans le jeu, même si sa conception et son intégration n’ont pas été une chose aisée. En effet, bien que le studio possédait le droit d’utiliser les musiques du film, il ne pouvait cependant pas accéder aux masters originaux. Par conséquent, le compositeur du studio, Franck Klepaki, a lui-même refait la musique, tout en en créant d’autres, très proches de celle de Vangelis. Pour un résultat tout bonnement excellent et à l’image du reste du jeu, à la fois fidèle et original.

Menez l’enquête

Côté gameplay, bien qu’il se joue entièrement à la souris comme tout bon Point & Click, Blade Runner est plus un jeu d’enquête que d’aventure. Oubliez donc la collecte d’objets parfois loufoques et la résolution d’énigmes à la logique capillotractée, ici il faut plutôt récolter des indices en interrogeant les témoins et les suspects ou en récupérant divers objets. Tous ces indices sont ensuite regroupés dans le KIA, l’ordinateur personnel de McCoy. On peut ensuite les consulter à tout moment, mais aussi les exporter dans l’ordinateur central du commissariat et inversement en importer, donnant ainsi parfois accès à de nouveaux indices. 

À cela viennent s’ajouter deux autres machines issues du film : l’Esper et le test de Voight-Kampff. En ce qui concerne l’Esper, il s’agit d’un ordinateur capable d’explorer et de grossir les détails d’une photo. Il est tout aussi surpuissant que dans le film, au point d’être capable de générer des scènes en trois dimensions autrement invisible sur une photo à deux dimensions. Quant au fameux test de Voight-Kampff, bien à l’abri dans sa valise en peau de bébé, il permet de déterminer si le sujet est un répliquant ou non, selon ses réactions à une série de questions. Bien entendu, le joueur doit réellement interroger les suspects en choisissant le type de questions posées. Mais là où cela devient très intéressant, c’est que l’on peut aussi modifier les réglages de la machine lors de son étalonnage et donc potentiellement trafiquer les résultats.

Un scénario à choix multiple

Par ailleurs, le jeu offre beaucoup de liberté aux joueurs. Liberté d’interprétation bien sûr, liberté sur la nature de McCoy, mais aussi liberté dans nos choix qui influeront sur la suite du scénario. Car oui, déjà à l’époque, Blade Runner proposait plusieurs fins possibles, selon les choix du joueur. Mieux encore, les développeurs avaient même intégré un peu d’aléatoire.

Mais reprenons les choses dans l’ordre. Tout d’abord, pour avancer dans le jeu il n’est pas obligatoire de récolter tous les indices, au risque de passer à côté de certains éléments intéressants, mais l’essentiel est tout de même nécessaire. Blade Runner n’est donc pas trop difficile, ni trop frustrant, même si certains passages réservent quelques mauvaises surprises. Comme par exemple explosion de Dermo Design, dans le quartier génétique, qui est un véritable calvaire.

Ensuite, il y a l’humeur de McCoy, que l’on peut régler dans les options via le KIA. On peut alors choisir d’être agressif ou au contraire agréable. Pour ma part, je préfère choisir l’option « choix du joueur », qui permet d’avoir le contrôle total sur les conversations. 

À cela s’ajoute bien entendu nos choix en jeu, comme tuer ou non un personnage, qui peut être ou non un répliquant. On peut donc tout à fait décider de retirer tous les répliquants, ou au contraire de sympathiser avec eux.

Enfin, il y a la petite touche supplémentaire, la fameuse petite dose d’aléatoires. En principe c’est très simple, à chaque début d’une nouvelle partie le jeu décide si certains personnages seront ou non des répliquant.

Et voilà il ne reste plus qu’à mélanger le tout et l’on obtient un jeu avec 9 fins différentes. Toutes n’étant pas accessibles d’une partie à une autre en raison de la nature de certains personnages qui est générée aléatoirement. Largement de quoi recommencer plusieurs parties avant de parvenir à voir toutes les fins possibles.

Une réalisation très cinématographique

En ce qui concerne l’aspect technique, le jeu a forcément vieilli. Quoi de plus normal pour un titre qui tournait à l’époque en 640 par 480 pixels, 24 bits et 15 images par seconde. On est très loin de nos standards actuels, parfois démesurés. 

Pourtant pour l’époque c’était loin d’être minable, bien au contraire. Tout d’abord, il faut savoir que tous les décors du jeu ont totalement été recréés en 3D précalculée, avec des effets d’éclairage et de fumées très convaincants. Les cinématiques quant à elle bénéficiaient d’un rendu entièrement en 3D avec des animations en motion capture, ainsi que d’une digitalisation des acteurs.

J’ai déjà évoqué la super musique du jeu, mais il ne faut pas non plus oublier le travail sur le son très fidèle au film, et surtout des dialogues entièrement doublés, y compris dans une version française de bonne qualité s’il vous plaît. 

Le tout pour un résultat qui a plutôt bien vieilli et qui est très cinématographique, jusqu’au choix d’une interface absente, à l’exception du curseur de la souris. Du moins si l’on excepte les personnages beaucoup trop pixelisés. C’est le moteur Voxel qui avaient été utilisés à l’époque, pour ou un rendu nettement moins convaincant. 

Par ailleurs, le jeu était vendu comme le premier jeu d’aventure en temps réel, car les différents personnages déambulaient au sein de l’univers du jeu selon leur propre emploi du temps. Sur le papier, ça semble intéressant, mais en réalité ça n’a que peu d’impact sur le jeu et n’est finalement pas très visible. Il arrive bien que l’on croise certains personnages à différents endroits et d’autres à des moments particuliers, mais rien de vraiment important. Il se peut même que l’on ne croise pas certains personnages si l’on ne vient pas au bon moment.

Malgré tout ce travail Blade Runner est bien entendu par exemple de défauts, heureusement assez rares et qui ne nuisent pas trop aux jeux. J’ai déjà évoqué les personnages trop pixelisés, ainsi que certains passages assez frustrants. À cela viennent s’ajouter des contradictions entre les cinématiques et le jeu lui-même. Par exemple chez Runciter, on ne voit pas les répliquants tirer sur la caméra dès leur entrée, ce qui ne colle pas avec le témoignage du propriétaire de la boutique et les photos que le récupère par la suite. De la même façon, il arrive parfois que l’on se retrouve dans des situations incohérentes, parce que l’on a probablement fait un choix inattendu. Ainsi lors d’un interrogatoire, j’ai par exemple fait fuir un personnage, mais quelque temps plus tard je l’ai retrouvé même endroit, comme si rien ne s’était passé.

Vous avez aimé le film, vous adorerez le jeu

En conclusion, malgré son âge si vous avez aimé le film vous adorez le jeu, c’est aussi simple que ça. Pour les autres, j’espère vous avoir donné envie de découvrir ce Blade Runner.

[MAJ] Le jeu est désormais disponible sur GOG dans sa version originale (que je conseille) ainsi que dans sa version Enhanced Edition (que je recommande un peu moins, sauf à prix réduit).



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